La fumeuse « mémoire de l’eau » (Partie 1)

Pr. Henri Broch

N.B. : Cet article est une reproduction partielle de la partie consacrée à l’homéopathie et la Mémoire de l’eau dans le livre de Henri Broch « Au Coeur de l’Extra-Ordinaire » (Ed. Book-e-Book 1991,… 2015). Pour une version complète, se reporter directement à l’ouvrage.

Quelques compléments sont apportés par les figures ci-jointes et par les deux articles qui suivent celui-ci : Mémoire de l’eau (Partie 2) : Mémoire de l’eau, on remet ça !    et   Mémoire de l’eau (Partie 3) : Deux profs et un zéro…

(…)
« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! », tel est l’adage qui semble avoir prévalu dans cette affaire, certains « chercheurs » ou médias ne parlant pas des expériences elles-mêmes « trop sophistiquées », « trop compliquées pour être expliquées »,…. Ce qui bien sûr permet de dire et faire dire tout ce que l’on veut.

Pourtant, à mon avis, il n’est nul besoin d’entrer dans le détail. Les choses sont assez simples.


Ce qu’il faut savoir (et pas plus !)

– Quand des polynucléaires basophiles humains – globules blancs qui renferment des granules contenant de l’histamine et possèdent sur leur surface des anticorps du type immunoglobuline E (IgE) – sont exposés à des anticorps anti-IgE, ils perdent leurs granules: on dit qu’ils « dégranulent ».
– La dégranulation implique une modification des propriétés de coloration.

Que nous dit, pour l’essentiel, la publication de Nature ?

La publication qui a tant fait sensation a été publiée le 30 juin 1988 par la revue Nature, sous la signature de E. Davenas, F. Beauvais, J. Amara, M. Oberbaum, B. Robinzon, A. Miadonna, A Tedeschi, B. Pomeranz, P. Fortner, P. Belon, J. Sainte-Laudy, B. Poitevin et J. Benveniste, avec pour titre « Dégranulation de basophiles humains provoquée par de hautes dilutions d’antiserum anti-IgE » (« Human basophil degranulation triggered by very dilute antiserum against IgE », Nature vol. 333, juin, p. 816).

Benveniste et ses collaborateurs ont soumis des basophiles à diverses dilutions d’anticorps anti-IgE (de 10 puissance 2 à 10 puissance 120), c’est-à-dire en particulier à des dilutions telles qu’il n’existe plus aucune molécule du produit d’origine (l’anti-IgE).

Sous la réserve expresse que les dilutions soient accompagnées d’un secouage vigoureux (une « succussion » en quelque sorte), les très hautes dilutions (c’est-à-dire le solvant seul, sans anti IgE, l’ « eau ») agissent et font dégranuler les basophiles.

Benveniste et ses collaborateurs ont déterminé le pourcentage de dégranulation en comptant les basophiles qui se teintaient sous l’action d’un colorant (ce sont les basophiles non dégranulés qui se teintent, d’où l’on peut en déduire le nombre de ceux qui ont dégranulé).
Ce pourcentage est variable suivant l’ordre de dilution (c’est-à-dire combien de fois la solution a été diluée par un facteur 10).
Les courbes obtenues représentant cette variation en fonction de la dilution font apparaitre des pics successifs avec un certain rythme, possédant une période de 6 à 9 ordres de dilution.

Que peut-on dire ?

Ce travail est donc censé démontrer la persistance de l’effet biologique spécifique d’un produit à des dilutions telles qu’il ne reste plus rien de cette substance.
Ce qui établirait enfin sur des bases scientifiques un des dogmes de l’homéopathie, que la nécessité des succussions lors des dilutions confirmerait encore.

L’eau serait ainsi capable de conserver le souvenir de molécules ayant été à son contact.
Mieux encore, elle conserve le souvenir de molécules qui n’ont pas été à son contact, et cela grâce au contact de l’eau qui a été au contact de ces molécules.
Mieux encore, l’eau conserve le souvenir de molécules par le contact de l’eau qui a été au contact de l’eau qui a été au contact de l’eau qui a été au contact… etc… qui a été au contact de ces molécules!

(…)

Et le contenu ?

Le point le plus fabuleux dans cette affaire réside certainement dans le fait qu’il suffisait, sans être un spécialiste du sujet, de lire tranquillement la publication elle-même pour se rendre compte que les résultats ne prouvaient rien du tout et ne valaient pas grand chose !

Sidérant, non ?

Et je me permets de signaler qu’il ne s’agit point d’une position prise maintenant, a posteriori, après les enquêtes ou les expériences reproduisant exactement les conditions expérimentales de Benveniste et montrant qu’il n’y a pas de dégranulation aux hautes dilutions; mais de la position claire et nette que j’ai défendue, preuves à l’appui, dès le début (nous en reparlerons plus loin).
Regardons ce qu’il en est.

Un magnifique « Effet Paillasson »

En première page, les auteurs nous disent que la dégranulation des basophiles a été « établie en comptant les cellules ayant des propriétés métachromatiques ».
Or, si, comme je vous l’ai dit, la dégranulation implique une modification des propriétés de coloration, cela ne veut pas du tout dire que l’inverse soit vrai!

Se mettre au soleil donne chaud, bien sûr; mais avoir chaud ne prouve pas forcément que l’on soit au soleil ! Et pourtant ce n’est ni plus ni moins que cela que les auteurs affirment en première page de leur article.
En d’autres termes, les auteurs ont fait une confusion (vous l’auriez faite, vous, sur le soleil ?); ils ont appliqué (inconsciemment ou consciemment ?) ce que j’appelle l' »Effet Paillasson »*. [note de bas de page: *cf. mon ouvrage « Le Paranormal », Seuil 1997, pour les différents Effets qui interviennent dans les phénomènes paranormaux]

La non-libération d’histamine aurait pu être une forte présomption de la non-dégranulation; il est intéressant de savoir que François Beauvais et Corinne Hieblot (U 200 INSERM) ont confirmé, par la suite, qu’il n’y avait pas eu libération d’histamine…

La précision qui est la moindre des rigueurs que l’on est en droit d’attendre de la part de scientifiques aurait dû les faire parler de coloration ou décoloration et non pas de dégranulation !

Evidemment, le titre de l’article eût été moins percutant !

D’autres merveilles

On peut découvrir d’autres merveilles dans cet article y compris un possible « Effet Cigogne », c’est-à-dire une confusion entre une corrélation et une causalité. Ce n’est pas parce qu’en Alsace le nombre d’habitants augmente parallèlement au nombre de cigognes que vous êtes en droit de conclure que ce sont les cigognes qui « apportent » les nouveau-nés!
Ainsi lorsque l’on dit « dégranulation provoquée par… » il faut démontrer que l’on a contrôlé tous les paramètres et que l’on s’est assuré qu’un autre phénomène ne puisse rendre compte de cela, sinon on doit parler de corrélation, de lien, pas plus.

Evidemment, dans ce cas, le titre ne percute plus rien du tout…

En vrac, je signale que l’on peut découvrir, entre autres prodiges, dans l’article de Nature que:

· la manière de calculer les pourcentages permet d’obtenir des pourcentages… négatifs,

· la variation du nombre de basophiles dans les échantillons de contrôle (offert avec un flou artistique) permet d’obtenir des pourcentages pouvant aller de -100% à +50% pour IgG (un produit qui est sans effet !) et de -100% à +100% pour IgE,

· dans la table I, les moyennes des « triplicate » (expériences faites trois fois) de la 1ère série d’expériences sont… fausses dans 4 cas sur 10 !
En effet, nul besoin d’être grand polytechnicien ou directeur d’une unité INSERM pour réfléchir quelques secondes et se rendre compte que la somme de trois comptages de globules doit nécessairement être un nombre entier (puisque chaque comptage, quel que soit son résultat, donne évidemment un nombre entier) et, qu’en conséquence, les valeurs affichées pour les moyennes doivent nécessairement s’écrire x,0 ou y,333 (i.e.: y,3) ou z,666 (i.e: z,7).
(…)

La perle du lot

Mais là où la puce commence à vous venir sérieusement à l’oreille, c’est lorsque (toujours en première page) on vous annonce que les résultats préliminaires (où sont les autres ?!) de Toronto montrent des effets identiques à ceux de Paris à un endroit ou à un autre de l’échelle de dilution.
Pour des expériences reproduites pour contrôle et censées être reproductibles, cela commence à faire peu sérieux.

Mais là où c’est un bourdon (la cloche, pas l’insecte) qui s’installe dans votre oreille, c’est lorsque, concernant les fameuses variations en fonction de la dilution, vous découvrez, écrit en toutes lettres (et toujours sur cette première page!):
« Les vagues répétitives de dégranulation provoquées par l’anti-IgE furent reproductibles, mais les pics de dégranulation peuvent se déplacer d’un ou deux ordres de dilution avec chaque séquence fraiche de dilution d’anti-IgE et dépendent de l’échantillon de sang.« 

Alors que vous venez de lire, 13 lignes avant, que les périodes (le rythme) des variations constatées se sont échelonnées entre 6 et 9 ordres de dilution.

En d’autres termes, la latitude de positionnement d’un pic de dégranulation est de 4 ordres de dilution (déplacements positif et négatif de 2 ordres) alors que la période du « signal » observé est de 8 ordres de dilution environ !

En termes clairs, Benveniste et ses collaborateurs écrivent textuellement qu’ils observent des vagues répétitives dans lesquelles ils sont incapables, selon leurs propres dires, de distinguer entre les creux et les bosses !

L’information contenue dans la rythmicité trouvée est donc tout simplement nulle et il est tout simplement inutile d’aller plus loin.

Et la revue Nature dans tout ça ?

Et cela est réellement présent dans l’article dès l’origine?
Oui, il suffisait de lire!

Et Nature alors dans tout ça ?
Au risque de faire grincer d’autres dents et d’être ainsi entre les deux machoires, j’affirme qu’il est difficile de croire que personne ne se soit rendu compte de ces erreurs fondamentales que moi, qui ne suis pas précisément spécialiste de la question, ai pu trouver…

Il est également curieux de lire dans le rapport de l’enquête de Maddox, Randi et Stewart (l’article de Benveniste et collaborateurs n’avait été publié que sous la condition que soit accepté la venue de ces investigateurs indépendants pour observer une reproduction des expériences):
« …les pics d’activité décrits dans l’article d’origine comme se produisant de manière périodique et dont la position était déclarée être reproductible » (souligné par moi, H.B.).
Phrase qui justifie la suite, à savoir que les carnets de laboratoire que ces investigateurs avaient examinés prouvaient que « la position des pics varie d’une expérience à l’autre. » (Nature vol. 334, 28 juillet 1988, p. 288).
Drôle de trouvaille que celle qui consiste à découvrir par l’enquête quelque chose qui était déjà écrit en toutes lettres dans l’article d’origine...

Je me permettrai simplement de rappeler que la revue Nature (alors que le directeur n’était pas le même) nous a déjà habitué à des « scoops » du type Benveniste-mémoire de l’eau.

N’oublions pas en effet (je vous en reparlerai précisément quand nous en serons « au coeur de l’esprit ») le fabuleux article de Russell Targ et Harold Puthoff que cette revue publia allègrement en 1974 et qui prétendait démontrer… les dons de voyance du tordeur de cuillère de service, le grand Uri Geller en personne!

(…)

Points de repère temporels

Afin de montrer clairement que l’ensemble de ce qui précède n’est pas déterminé a posteriori, je me permets de vous donner quelques repères chronologiques.

– Mai-juin 1988.
Suite au battage publicitaire qui s’organise dans de très nombreux médias sur la révolution aquatico-scientifique du siècle, je mène mon enquête personnelle afin de pouvoir donner des renseignements précis et contrôlés sur le service Minitel de l’Université de Nice-Sophia Antipolis, 36.15 code ZET, dont je m’occupe..
C’est ainsi que, le 30 juin, j’apprends par le professeur Charpin (Marseille) que j’ai contacté qu’il n’a pas du tout, comme l’affirmait le journal Le Monde, entériné les travaux du Dr. Benveniste. Il a envoyé un démenti à ce journal qui avait cité son nom en confirmation, démenti jamais publié bien sûr!
J’apprends de même que l’institut Weizmann, cité également, n’est pas impliqué dans la « découverte ».

– 30 juin 1988
Parution officielle de l’article dans la revue Nature.

– 1er juillet 1988.
J’envoie deux télex à John Maddox (pour les fanatiques de la précision: de l’Université de Nice à MacMillan G.-B., UNINICE à MACMIL 183 1550 et UNINICE à MACMIL 183 1615), expliquant qu’en tant que représentant du Comité Français d’Etude des Phénomènes « Paranormaux » qui doit, début juillet, le rencontrer lui et les autres enquêteurs (la réunion sera ensuite annulée au dernier moment), il me parait nécessaire d’avoir une copie de l’article de Nature avant cette réunion et j’en demande donc l’envoi par courrier urgent ou par le réseau Earn ou par télécopie (tous les codes nécessaires sont évidemment donnés).
Aucune réponse obtenue à ces télex.

– 5 juillet 1988
Le numéro de la revue Nature dont on parle tant arrive à la bibliothèque du campus Sciences de l’Université de Nice-Sophia Antipolis.
Je peux donc prendre enfin connaissance de la publication de Davenas et al. et en faire une analyse durant l’après-midi et la nuit (eh oui !) du 5 au 6 juillet.
Lorsque je mets le doigt sur la béance méthodologique et découvre ainsi le néant que représente en réalité la publication à l’origine de toute cette affaire, je me demande si je ne rêve pas ; au petit matin, je prierai un collègue de me pincer fort …

– 6 juillet 1988
Mon analyse critique des travaux de Benveniste et collaborateurs est disponible publiquement dans le dossier homéopathie, sur le service Minitel ZET de l’Université de Nice.
Cette analyse met en évidence la faille méthodologique énorme (la latitude de positionnement de lambda/2 pour un signal qui se voudrait de longueur d’onde lambda) dont je vous ai parlé plus haut.
J’explique que la reproductibilité demandée en science fait défaut et que « l’information contenue dans la rythmicité trouvée est tout simplement nulle car cette rythmicité n’existe pas comme pourrait peut-être le montrer très simplement la sommation légitime (au point de vue conceptuel et statistique) des expériences » dont une figure de l’article se veut représentative d’au moins 10 expériences (les autres courbes n’étant pas fournies !).
Je soulève aussi le problème des marges d’incertitude sur les nombres de basophiles présentés.
Ma conclusion est « GIGO » comme disent les informaticiens américains, c’est-à-dire: Garbage In, Garbage Out (« si l’on met des déchets à l’entrée, cela entraine évidemment des déchets à la sortie » !).
J’explique également qu’il semble que l’on soit en présence d’un tri des données où, bien sûr, seuls les résultats censés être positifs sont présentés!

L’analyse donnée sur ZET dès le 6 juillet 1988 démontrait clairement que la rythmicité prétendument observée était un leurre; il n’était nul besoin pour le prouver de faire une commission d’enquête qui « découvrira » plus tard cela dans… les cahiers de laboratoire !

– 7 juillet 1988
Je fais parvenir un télex à l’Agence France Presse (toujours pour les maniaques de la précision: de l’Université de Nice à l’Agence France Presse, UNINICE à AFP 189 1756) signalant la non-validité des résultats publiés dans « Nature » et la disponibilité publique des explications.

(…)

« Les mystères de la mémoire de l’eau »

L’ouvrage de Michel de Pracontal dont le titre est celui de ce chapitre m’a valu dès sa sortie, au tout début de 1990, de nombreux appels téléphoniques et un courrier conséquent de personnes qui, à la lecture, avaient senti comme un malaise sans pouvoir bien le définir…

Ma réponse fut la suivante.
Cet ouvrage possède une qualité d’écriture certaine et se lit comme un roman policier, en retenant son souffle pour connaître la solution de l’énigme.
Mais cette qualité cache, ou essaie de cacher, le fond de l’ouvrage qui est de renvoyer dos à dos les deux parties en présence en montrant que la science ne sait pas trop où est la vérité. Avec même un petit penchant sympathique pour le « martyr »…

(…)

Ainsi après avoir signalé que
« … 40% du budget moyen d’une unité (de l’INSERM) provient d’apports extérieurs à l’organisme. Dans le cas de l’unité 200, la proportion de fonds privés est supérieure à cette moyenne, en grande partie du fait des retombées industrielles du paf. »,
Pracontal enchaîne en disant que
« Benveniste a parmi ses partenaires privés des firmes beaucoup plus puissantes que Boiron. Avec un chiffre d’affaires de 800 millions de francs en 1988, le leader mondial de l’homéopathie reste un nain comparé aux géants de la pharmacie. En 1986, les quatre premiers, Hoechst-Roussel-Uclaf, Merck, Bayer et Ciba-Geigy, dépassaient tous les vingt milliards de francs. »
Ce qui est certes intéressant mais la ficelle me parait un peu grosse…
De beaux chiffres, mais sans rapport avec le sujet. Il eut été préférable qu’en lieu et place des chiffres d’affaires desdites sociétés dont le lecteur n’a que faire, l’auteur nous dise combien chacun de ces géants donne à l’unité de Benveniste et combien donnent les laboratoires Boiron.
Il se pourrait, simple supposition d’école bien sûr, que la contribution du « nain » n’ait pas à rougir face à celle des « géants ». Et dans ce cas là, pensez-vous que la lecture des lignes en question induise la même idée ?

Mais le plus grave c’est que Michel de Pracontal n’hésite pas à prendre quelque distance avec la vérité sur les points fondamentaux de l’affaire.

Avant de préciser cela, il faut se rappeler que le groupe israélien n’obtenant pas de résultats positifs dans leurs manipulations destinés à vérifier l’effet mémoire de l’eau, Elisabeth Davenas s’est rendu sur place; les expériences marchant alors, le groupe lui a demandé de réaliser l’expérience suivante: déterminer, par le comptage des basophiles, les tubes ayant reçus les hautes dilutions d’anti-IgE sur un lot de 10 tubes codés après préparation (comprenant 3 tubes témoins remplis de solution tampon et 7 tubes contenant les hautes dilutions). Résultat: un « sans faute » magistral.

Voici donc, par exemple, ce qu’écrit Pracontal dans le chapitre où il parle des manipulations qu’a effectuées Elisabeth Davenas en Israël, pour balayer tout doute que son lecteur pourrait avoir sur la validité de ces expériences:
« Et dans le rapport de l’enquête de Nature, il est écrit en toutes lettres que «l’analyse des tubes (…) n’a pas révélé d’immunoglobulines (i.e. d’anti-IgE) mais d’autres protéines contaminantes». »

Pracontal insiste fortement en écrivant « en toutes lettres » alors que la citation qu’il présente est… tronquée et… fausse (truquée serait-il un mot plus juste?).

Tronquée car la fin de cette citation précise que les « autres protéines contaminantes » offrent une ressemblance avec celles de départ.
Fausse car la phrase réelle dans la publication déclare exactement l’inverse de ce que Pracontal lui fait dire!

A savoir qu’ont été trouvées « non seulement des immunoglobulines mais également d’autres protéines »… (je donne, suspense de thriller oblige, la citation complète un peu plus loin). Comment un enquêteur prétendument sans a priori peut-il faire une telle erreur de lecture?

En termes clairs, la haute dilution n’était pas très diluée !
Il semblerait qu’un fantôme passant par là ait remis discrètement des immunoglobulines on ne peut plus palpables…

Un peu plus loin, dans un chapitre qu’il a même osé intitulé « Un cas de diffamation », Pracontal écrit:
« On peut éplucher le rapport de Nature. On y cherchera vainement une accusation de fraude. »

En contradiction flagrante avec la vérité! Nous le verrons en détail plus loin (toujours le fameux suspense)…

(…)

1,5 Million de francs pour une petite preuve

Un prix « mémoire de l’eau » de 500.000 FF a été lancé le 8 novembre 1988 par le Dr. Jacques Theodor (jury composé de quatre professeurs de facultés belges de sciences et de médecine dont le Dr. Maurice Abramow, professeur de Médecine à l’Université Libre de Bruxelles qui met son laboratoire de Physiologie et de Physiopathologie à la disposition des candidats), pour attribution à toute personne qui apportera la démonstration de la validité scientifique du principe homéopathique fondamental de l’infinitésimalité.

La revue Science et Vie a également lancé son défi en offrant (cf. numéro 856 de janvier 1989) un chèque de 1 million de francs au Dr. Benveniste « s’il prouve que le phénomène dit de « mémoire de l’eau » a une réalité, en se soumettant au protocole expérimental classique… »

(…)
L’expérience à réaliser est très très simple et pourtant les 1,5 millions de francs (total des deux offres) sont toujours là…

(…)

« Scientifiquement, les faits sont indiscutables »

Voilà ce que titrait, dans un article sur la « mémoire de l’eau », la revue « Newlook » de mai 1989 dans un encadré, qui se voulait exclusif, présentant le « Pr. Jean-Marie Pelt, botaniste de renommée mondiale » qui « a vérifié les expériences de Jacques Benveniste sur la mémoire de l’eau ».

Cet encadré était introduit dans le texte (outre une forte amorce dans le « chapeau » de l’article) par la phrase « La véritable surprise, pourtant, vint du Professeur Jean-Marie Pelt… Directeur de l’Institut Européen d’Ecologie… » et reproduisait les déclarations de ce dernier:

« …les laboratoires Boiron nous ont demandé de refaire l’expérience de Jacques Benveniste. Et là, nous avons obtenu les mêmes résultats que lui ! Il est clair qu’en ce qui concerne les faits, ils sont là, et assez entêtés pour qu’ils se produisent abondamment. Je peux même dire que du point de vue strictement scientifique, ils ne sont pas discutables. » [souligné par moi, H.B.]

(…)

Quels sont donc les faits indiscutables de Jean-Marie Pelt?

Pierre Rossion, dans son enquête sur « la mémoire audiovisuelle de l’eau », nous apprend qu’il a interrogé le Pr. Pelt:

« Il nous a renvoyé à son assistante, Mlle Lexa, qui était le véritable auteur de l’expérience (elle aussi, comme Benveniste, Davenas et consort, sous contrat avec les laboratoires homéopathiques Boiron… comme on se retrouve!).
Elle nous a dit que le phénomène qu’elle dit avoir observé n’était pas [souligné par moi, H.B.] reproductible.
Avait-elle pris le soin de faire l’expérience en aveugle? Même pas [souligné par moi, H.B.].
Avait-elle dosé l’histamine dans les préparations? Même pas [souligné par moi, H.B.].
S’était-elle assurée qu’un artéfact ne s’était pas glissé dans l’expérience? Elle nous a répondu très franchement qu’on ne pouvait pas le négliger et qu’il n’était pas du tout à exclure [souligné par moi, H.B.].
Avait-elle fait une publication? Non [souligné par moi, H.B.].
Nous avons demandé à voir les résultats. Pas moyen… [souligné par moi, H.B.] »

Et voilà les fameux résultats dont Pelt nous assure que « du point de vue strictement scientifique, ils ne sont pas discutables ». Encore une occasion perdue de se taire, ou d’apprendre ce qu’est véritablement la méthode scientifique.

Je sens que je vais me faire quelques inimitiés supplémentaires mais est-ce une raison suffisante pour taire des éléments qui sont utiles au débat?

Je me permets donc de porter à la connaissance de mes lecteurs que le professeur Jean-Marie Pelt, bien connu pour ses excellentes émissions sur les plantes, et directeur d’une association sans but lucratif intitulée « Institut Européen d’Ecologie » et domiciliée à Metz (autant être précis, n’est-ce pas?), connait des astrologues de ses amis « sérieux et compétents ».
A un de ses lecteurs qui s’étonnait de cela, Pelt n’a pas hésité à répondre qu’il avait vérifié lui-même avec rigueur la teneur de l’astrologie: « les résultats sont clairs: le thème de nativité exprime la personnalité, et les transits le cours de sa trajectoire. Je ne le ‘crois’ pas, je le sais. C’est le fameux ‘et pourtant elle tourne’ de Galilée.« 

Le syndrome galiléen devient, ces temps-ci, d’une banalité effarante.

(…).

Mise au point. Pour conclure provisoirement

Suite à une émission télévisée sur « la mémoire de l’eau » à laquelle participait Jacques Benveniste, la revue de vulgarisation scientifique Science & Vie m’avait demandé de lui faire parvenir quelques lignes sur ce sujet.
Moins de 48 heures après l’émission en question, les lignes partaient pour leur destinataire avec un petit ajout précisant, qu’ayant été mis en cause directement et nominativement par le Dr. Benveniste lors de cette émission, je me permettais d’insister pour que quelques lignes paraissent, sous ma signature, afin de réagir non seulement en tant que personne connaissant le dossier mais également et surtout en tant que scientifique et biophysicien dont la rigueur et l’honnêteté intellectuelle avaient pu être mises en doute.
Ces quelques lignes n’ayant pas été publiées telles quelles, je désirerais, en forme de conclusion, vous en livrer la substantifique moelle.

L’émission télévisée en question est le « Libre et Change » de Michel Polac du 29 mars 1989 sur M6 consacrée à la « mémoire de l’eau ».
Ayant été gravement (?) mis en cause par Jacques Benveniste (qui a même parlé de diffamation) lors de cette émission et n’ayant pas par habitude de ne pas appeler chat un chat, voici une rapide mise au point sur les allégations de monsieur Benveniste.

On pourrait tout d’abord disserter sur l’attribution que se fit, lors de cette émission, Jacques Benveniste d’être l’auteur de 500 publications scientifiques. Prenant cela pour un argument de poids de son autorité et de son sérieux scientifique, il oubliait simplement mais complètement que les téléspectateurs pouvaient faire un rapide calcul mental les amenant à remarquer que cela représente environ… une publication scientifique toutes les 2 semaines, sans aucun arrêt, ni vacances, ni pause, pendant 20 ans!

(…)

Cela dit, Jacques Benveniste, nommant Henri Broch à plusieurs reprises, a déclaré, entre autres, lors de cette émission:

« Il y a eu un dérapage… dans Nice-Matin, où un des membres de ce groupe [note: il s’agit du comité de rédaction de « Science et pseudo-sciences »], qui est identifié parfaitement, a accusé Elisabeth Davenas de fraude, alors que ça n’a jamais été mentionné dans Nature, sur la base de Nature, et a simplement titré ‘Benveniste est naïf et incompétent’« .

(…)

Mais le seul point important dans cette histoire, c’est que les « affirmations » de Benveniste et de Broch sont non seulement compétitives mais également contradictoires.
En posant l’hypothèse que tous deux savent lire (la revue Nature tout au moins!) cela signifie clairement, mais en termes moins galants, que … l’un des deux ment effrontément!

N’osant point demander au lecteur de me croire sur ma bonne mine ou sur la fermeté de ma déclaration, et pensant profondément que la précision est une des vertus nécessaires à une véritable démarche scientifique, il m’apparait donc souhaitable de clarifier, une fois pour toutes, les choses (et vous donner enfin par là-même les citations promises dans les paragraphes sur l’ouvrage de Pracontal).

Voici donc deux extraits de la revue Nature dont curieusement les médias ont peu parlé:

1) rapport d’enquête de J. Maddox, J. Randi, W. W. Stewart,
Nature vol. 334, 28 juillet 1988, p. 290

« Les premiers essais [israéliens] eurent lieu en mars 1987, lors d’une visite à Rehovot du Dr. Davenas. Le plus remarquable de plusieurs essais couronnés de succés a été son identification correcte de sept tubes de hautes dilutions sur dix qui lui étaient présentés en aveugle. Toutefois, le rapport (à Benveniste) des essais était prudent. Par la suite, l’analyse des tubes qui avaient donné des résultats positifs dans cet essai a révélé non seulement des immunoglobulines mais également d’autres protéines contaminantes apparemment identiques à celles de la fiole IgE d’origine. L’un des participants (le professeur Meir Shinitsky de l’Institut Weizmann) s’est alors retiré des co-auteurs possibles. »
[souligné par moi, H.B.] 

Le deuxième extrait provient de l’article qui désire mettre un point final dans les colonnes de Nature et dans lequel l’auteur, John Maddox, Directeur de la revue, explique que le Dr. Benveniste connaissait dès le début la composition du groupe de personnes qui viendraient observer ses expériences, que l’acceptation de se rendre à Paris était faite avec le « soupçon qu’une explication pouvait être que les données avaient été fabriquées par un farceur dans le laboratoire (de Benveniste) » (p. 761, pour les esprits curieux), et discute de l’ensemble des points, questions et problèmes soulevés par l’affaire Benveniste.
Mais il y a, vers la fin, un passage que, curieusement, personne ne semble avoir lu… correctement:

2) article final de J. Maddox,
Nature, vol. 335, 27 octobre 1988, p. 763
(fin de la première et début de la deuxième colonne)

« Les données disponibles du travail israélien sont les plus explicites mais jettent également quelque peu la confusion. Nous avons connaissance de trois phases séparées d’investigation – une tentative de répéter les expériences de Clamart (avec des résultats négatifs), un essai complémentaire en présence de Elisabeth Davenas (qui a conduit à des résultats positifs mais aussi, malheureusement, à des ACCUSATIONS DE FRAUDE de la part de membres du groupe israélien) et un autre essai organisé de loin depuis Paris… »
[souligné par moi, H.B.].

(…)

Henri BROCH
Le présent texte est tiré du livre « Au Coeur de l’Extra-Ordinaire »
(Ed. Book-e-book 1991,… 2015)

N.B.: Des compléments sont apportés par les deux articles qui suivent celui-ci :
Mémoire de l’eau 2 : Mémoire de l’eau, on remet ça !    et   Mémoire de l’eau 3 : Deux profs et un zéro…

Références
Alfonsi (1989); Broch (1988, 1989 a); Fierz (1988); Gennes de (1989); Maddox (1988); Maddox et al. (1988); Pracontal de (1990); Rossion (1988; 1989 a, b, c); Rouze (1988 a; 1989); Stewart (1988); anonyme (Maddox?) (1988)

Les références ci-dessus renvoient à la bibliographie de l’ouvrage « Au Coeur de l’Extra-Ordinaire », éd. Book-e-book.com 2002.

 © H. Broch, book-e-book.com 2002 & H.B., Laboratoire de Zététique 2004 pour les figures
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